Fonction Publique : Liberté d'opinion et obéissance hiérarchique : Un pompier exclu un an pour avoir refusé de respecter une minute de silence

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Un sapeur-pompier professionnel a fait l’objet de poursuites disciplinaires et a été sanctionné par une exclusion temporaire de fonctions d’un an dont six mois avec sursis.

Cette sanction lui a été infligée pour avoir refusé de participer à l’hommage organisé au sein de son service départemental d’incendie et de secours (SDIS) pour les victimes des attentats de novembre 2015.

Après avoir demandé en vain l’annulation de cette sanction en première instance, il fait appel du jugement devant la CAA de Bordeaux.

Quelques jours après les attentats commis en novembre 2015, et dans le cadre du deuil national déclaré par le premier ministre en hommage aux victimes de ces attentats, le directeur départemental du SDIS où travaillait l’intéressé a demandé à l’ensemble du personnel de se rassembler au pied du drapeau français afin de respecter une minute de silence.

Mais l’intéressé ayant refusé d’y participer, une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre et son exclusion temporaire prononcée. Ainsi, la sanction litigieuse a été motivée par le refus de l’intéressé d’exécuter une instruction donnée par son chef de pôle et par l’atteinte portée à l’image du corps des sapeurs-pompiers causée par ce refus relaté par plusieurs articles de presse.

Pour savoir si le sapeur pompier professionnel sanctionné pouvait se soustraire à cet hommage au nom de sa liberté d’opinion ou au contraire s’il avait l’obligation d’y assister au nom de son devoir d’obéissance, la Cour administrative d’appel a tout d’abord rappelé le sens des dispositions du statut général des fonctionnaires.

En effet, l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (…) ».

Par ailleurs, l’article 6 de cette même loi garantit aux fonctionnaires la liberté d’opinion.

En l’occurrence, à la suite de ces événements de novembre 2015, le Président de la République avait décidé d’un deuil national de trois jours et le Premier ministre a institué, dans ce cadre, un hommage national de l’ensemble des services publics le lundi 16 novembre à midi en laissant le soin aux autorités compétentes d’en définir les modalités. En application de ces instructions, le directeur départemental du SDIS a ordonné que les drapeaux soient mis en berne et qu’une minute de silence soit observée par l’ensemble du personnel du SDIS le 16 novembre 2015 à midi. Pour l’exécution de cet ordre hiérarchique, le chef de pôle du centre de secours où travaillait l’intéressé a demandé que les sapeurs-pompiers de ce centre se rassemblent au pied du drapeau national à 11h55 afin de se recueillir et respecter une minute de silence en hommage aux victimes.

La Cour précise tout d’abord que le chef de pôle a bien pu rendre obligatoire la minute de silence alors même que le décret pris par le Président de la République et la circulaire d’application avaient laissé aux services le soin d’organiser ce moment de recueillement.

Elle estime également que cet ordre ne présentait pas le caractère d’un ordre manifestement illégal et n’était pas de nature à compromettre gravement un intérêt public au sens de l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983. Aussi, le fonctionnaire devait obéir à l’ordre donné, quand bien même il ne se rattacherait à aucune de ses attributions professionnelles.

D’autre part, la Cour précise que la liberté d’opinion de l’agent ne s’efface pas devant l’obligation hiérarchique, sauf dans le cas prévu par l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983, c’est-à-dire en cas d’ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Même si l’acte de désobéissance reproché à l’agent a été revendiqué pour des motifs personnels d’ordre politique et qu’il a été commis alors que l’intéressé était en service, celui-ci devait respecter l’ordre qui lui était donné.

En ne le faisant pas, l’intéressé a commis une faute justifiant la sanction disciplinaire prise à son encontre.

la CAA de Bordeaux, dans son arrêt du 17 décembre, valide ainsi l'exclusion temporaire de fonctions d’un an pour avoir refusé d'observer une minute de silence.


CAA de Bordeaux, 17 décembre 2020, n°18BX03147. 

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