Fonction publique : Des précisions sur l'autorité compétente pour statuer sur une demande de protection fonctionnelle demandée pour des faits imputables à l'autorité territoriale elle-même

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Par un arrêt du 2 février 2021, la cour administrative d’appel de Nantes a considéré que le chef de l’autorité territoriale ne peut, par exception à sa compétence de principe, régulièrement, sans méconnaître le principe d’impartialité, se prononcer lui-même sur une demande de protection fonctionnelle au titre d’agissements constitutifs de harcèlement faisant état de circonstances objectives mettant sérieusement en cause son propre comportement.

En l’espèce, le président de la communauté de communes des Pays de l’Aigle a informé Mme D…, le 26 octobre 2017, qu’il envisageait de mettre un terme à son détachement sur l’emploi fonctionnel de directeur général des services au motif d’une perte de confiance.

Mme D… a sollicité, par courrier en date du 3 novembre 2017, le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de comportements constitutifs de harcèlement moral de trois ordres dont elle estimait être victime, en faisant tout d’abord valoir la volonté délibérée d’une partie du personnel d’encadrement de l’humilier, ensuite une usurpation de son identité et, enfin, des agissements de harcèlement de la part de ce président, se traduisant, selon elle, par « une mise au placard depuis deux mois ne permettant plus d’avoir accès aux informations relevant de ses responsabilités, avec une » mort « fonctionnelle programmée et organisée ».

Par courrier du 8 novembre 2017, faisant suite à une rencontre entre Mme D… et le président de la communauté de communes des Pays de l’Aigle portant sur cette demande de protection fonctionnelle, ce dernier a informé la requérante qu’il diligentait une enquête administrative sur ses conditions de travail « afin de lui permettre d’avaliser ou d’infirmer sa demande de protection fonctionnelle » et l’invitait à rester à son domicile dans l’attente des conclusions de cette enquête.

L’enquête administrative confiée à un cabinet extérieur n’a pas été menée jusqu’à son terme dès lors qu’aucun rapport définitif n’a été établi.

Par courrier du 21 février 2018, le président de la communauté de communes des Pays de l’Aigle a rejeté la demande de protection fonctionnelle aux motifs qu’ « aucun des éléments à [sa] connaissance ne laissaient à penser » que Mme D… avait été humiliée par du personnel encadrant auprès de ses subordonnés, qu’ « aucun des éléments à [sa] connaissance ne démontrent [les] difficultés » évoquées de « mise au placard » sur les derniers mois et que l’utilisation de ses initiales sur deux courriers résultait d’une erreur et non d’une volonté de contourner son avis ou d’usurper son identité.

Mme D… a alors saisi le juge administratif contre cette décision du 21 février 2018. Par un jugement du 15 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.

Mme D… a interjeté appel de ce jugement.
La cour administrative d’appel de Nantes a toutefois rejeté la requête.

Pour ce faire, elle considère tout d’abord qu’il « appartient à l’agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu’il entend contester le refus opposé par l’administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d’en faire présumer l’existence. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile. »

Cependant, en l’espèce, elle constate qu’ « aucun des éléments produits par Mme D…, se résumant au témoignage de l’ancien vice-président aux affaires sociales de la communauté de communes des Pays de l’Aigle et à deux attestations peu circonstanciées d’anciens collègues de travail, ne permet d’établir, comme elle l’allègue, que le président de la communauté de communes l’a soumise à une surcharge de travail générant un état d’épuisement, a eu à son égard, de manière réitérée, un comportement désobligeant et vexant ou tenu des propos méprisants, l’a isolée et mise à l’écart des moyens nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou a organisé une campagne de dénigrement à son encontre. Par suite, elle ne soumet pas à la cour des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral de la part du président, que ne révèle pas davantage ni la procédure de non-renouvellement de son détachement pour perte de confiance, dont la légalité a été confirmée dans l’instance 19NT01764, ni les annulations, pour vice de procédure, de la délibération du 22 février 2018 adoptant le tableau des emplois et, par voie de conséquence, de l’arrêté du 23 février 2018 la plaçant en surnombre, prononcées par le tribunal administratif de Caen par jugement du 15 mars 2019. Mme D… ne conteste, par ailleurs, pas les faits mentionnés dans la décision litigieuse réfutant qu’elle fut victime de harcèlement de la part d’une partie du personnel d’encadrement ou par usurpation de son identité. »

Par suite, le juge d’appel conclut que Mme D… n’est pas fondée à soutenir que la décision du 21 février 2018 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle est entachée d’une inexactitude matérielle des faits ou d’une erreur d’appréciation.

CAA de Nantes, 2 février 2021, 19NT01828

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